Maurice Daubard

CHANDRASANA
(le croissant de lune)

N’avez-vous jamais admiré le si beau croissant de lune dans un ciel clair par une belle nuit criblée d’étoiles, dans la période où cette lune d’argent le plus pur, finement, aérodynamiquement et géométriquement dessinée jusqu’à ses deux extrémités, nous transporte de rêve.

 

Alors, rêvons ensemble, traduisons ce rêve transposé dans notre être.

 

Cette posture exige un grand travail de maîtrise du corps, de mentalisation et de cœur. Toute l’attention sera rassemblée pour comprendre et apprendre à faire jouer la mécanique squelettique des pieds à la tête, en décomposant toute l’articulation du corps. En position debout, la conscience sera mise d’abord dans le positionnement des pieds puis remontera au fur et à mesure, en passant par chacune des vertèbres (c’est, en fait, une interaction tout en subtilité). J’aime dire qu’ «un yogi doit savoir maîtriser chacune de ses vertèbres, comme un pianiste connaît chaque touche de son piano ». L’exercice sera répété le temps qu’il faudra jusqu’au parfait. Ce travail précieux constituera la « mise en posture » de Chandrasana. L’étudiant pourra intervenir pour discipliner son corps qui, lui, a tendance à s’installer dans les régions faciles et compensatoires, notamment en compensant par la cambrure lombaire au détriment de la région dorsale.

 

Etant ex-élève du célèbre vertébrothérapeute qu’était De Sambucy, j’ai beaucoup appris avec lui sur la connaissance et la maîtrise posturale de la colonne vertébrale. J’ai fait de ces acquis, une base classique de mon enseignement et le travail spécifique de la ceinture scapulaire m’a particulièrement intéressé. Il est en outre un outil indispensable et précieux pour la bonne réalisation de la posture de Chandrasana.

 

Je nomme ce travail le grand écart de l’articulation des épaules, par un travail de série, à plat ventre sur le sol devant les premiers barreaux d’un espalier mural, le corps bien en ligne, l’étudiant, les bras hyper tendus, va se saisir du premier barreau de l’espalier avec un écart entre les 2 mains correspondant précisément à sa largeur d’épaules, la pointe des côtes flottantes ne sortant jamais du sol. Il laissera son buste se relâcher (sans pousser). Le travail sera toujours basé sur l’expir.

 

Le changement de barreau sera progressif pour essayer d’atteindre petit à petit le barreau le plus haut qui puisse être atteint sans que la pointe des côtes flottantes ne se décolle du sol pour ne pas solliciter la région lombaire.

 

Ce travail progressif dans le temps est une merveille. Il a un double effet positif :

 

Il débloque les tensions en relaxant, ce qui a l’avantage de ralentir le vieillissement

 

Il assouplit toute la région haute épaules/dos, il défatigue le soir après une journée où « on en a plein le dos ».

 

Depuis plus de 25 ans, je conseille aux professeurs de yoga de se servir des espaliers. Cet exercice représente enfin un espoir pour tous ceux qui ont un encombrement dorsal, un blocage des épaules. Beaucoup de personnes dans l’âge souffrent de rhumatismes et arthrose des articulations des épaules, souvent uniquement à cause des tensions accumulées dans ces lieux.

 

De Sambucy m’expliquait qu’il nomme cet endroit « l’éponge du Christ » ou « la croix de Jésus ». La verticale étant la colonne vertébrale et horizontale la ligne entre les 2 épaules. Au centre de cette croix se trouve « la cible des tensions », un cercle situé sur la jonction entre la 7ème cervicale et la 1ère dorsale.

 

C’est l’ensemble de cette région qui ramasse toutes les tensions résiduelles provenant des souffrances de l’individu et qui devient verrouillée, je dirais même bétonnée et le travail dans cette zone tel que je le propose est une clef essentielle qui permet d’ouvrir ce verrou physiquement et d’accéder au physiologique, c’est à dire à la circulation du sang et des autres énergies subtiles : ouverture de Anahata Chakra (ouverture de notre cœur).

 

Chandrasana (le croissant de lune)

Mais revenons alors à notre féerique croissant de lune…

 

Nous voici en possession de moyens d’accession à la posture de Chandrasana dans la partie basale. Pour idéaliser la posture : mettez-vous devant un mur blanc, en face, placez un projecteur orienté sur vous de façon à ce qu’au mur vous fassiez une ombre chinoise avec votre corps de profil. Quelqu’un va avec un feutre dessiner sur l’ombre la courbure de votre corps jusqu’au parfait de votre posture du croissant de lune. Quand le croquis, l’esquisse finale, vous permettra de constater que vous avez su effacer les creux et les bosses et accomplir cette finesse des pieds jusqu’au bout des mains, vous aurez Chandrasana. Vous deviendrez apte corporellement parlant à commencer l’exécution véritable de la posture.

 

Dans un second temps, nous pourrons intervenir physiologiquement dans le sens de savoir bien étirer son corps comme un caoutchouc que l’on tire du bas vers le haut de la tête non renversée à l’arrière mais enfermée dans les bras qui eux seront étirés toujours secondairement en sachant garder l’horizontalité des épaules, avec le souci de ne pas rapprocher les omoplates l’une vers l’autre. (On ne renversera la tête vers l’arrière que lorsque l´on dominera la posture, pour être certain de ne pas tomber dans le piège classique de ‘casser’ la région lombaire ainsi que la région cervicale, alors qu´en fait, il ne se passe pas grand-chose au niveau dorsal)

 

Le lieu d’activité principale est le buste, il est le lieu tabernacle du cœur subtil. La partie sternum bien ouverte, vivante, en devient le centre d’intérêt. Grandir, ouvrir ce lieu dans l’intensité, mais sans violence, ni douleur. Ensuite, soit je termine tout simplement cette posture (et elle reste donc Chandrasana), dans un coup de chaleur qui monte subitement dans les épaules jusqu’au bout des mains, accompagné souvent d’un second courant cette fois de fraîcheur ou même de fourmillement, c’est le bénéfice normal.

 

Soit la posture quitte Chandrasana pour enchaîner directement, depuis l´ouverture vers le haut, sur Prana (courant magnétique subtil décrit plus haut : chaleur, fraîcheur, fourmillement) Shanti (paix) Mudra (enfermer). Prana Shanti Mudra, nous y voilà:

 

Les bras élevés vers le ciel (Prana), je ressens passer délicieusement la respiration du pranayama de l’Ujjayi qui coule doucement dans le haut de ma poitrine ouverte, agrandie, vivante. Puis, écartant et redescendant progressivement les bras (jusqu´à la position de résurrection de Jésus), j’ouvre dans l’inspir tout grand ce lieu tabernacle de mon cœur pour y recevoir cette communion intime et subtile, véritable célébration d’espoir, d’enseignement en devenir (Shanti).

 

Il y a eu un instant d’émotion où j’ai cessé d’exister dans mes limites humaines.

 

Quelques instants plus tard, j’enferme ces instants magiques au plus profond de moi-même (Mudra), en repliant mes bras, dans une extrême lenteur, jusqu´à la position de prière, mains jointes, au niveau du cœur (menton légèrement baissé). Sur la descente des bras, les deux paumes de mains ouvertes doivent frôler le visage sans le toucher.

 

Chandrasana est le trait d’union qui conduit à la dimension supérieure Prana Shanti Mudra, vers une sacralisation.

 

Comme l’huître qui, une seule fois dans sa vie, monte à la surface de l´océan pour recevoir, par une pluie particulière, une certaine goutte de d´eau, puis replonger avec elle vers le fond de la mer pour ensuite la transformer en une perle unique, Prana Shanti Mudra, alliée à Chandrasana, est une véritable consécration.

 

En tout cas, c’est ainsi que moi je le ressens, que je le vis et que j’engage les autres à la vivre et la faire vivre.

 

Cet ensemble d’exercices est applicable en beaucoup de circonstances, en salle ou dans la nature, au soleil levant ou couchant, devant une montagne, un arbre ou tout autre support possible, musical, émotionnel etc…

 

Et bien sûr, cette expérience fait partie intégrante du Yoga Toumo. Par exemple: pendant l’assise matinale en méditation dans le froid (dans une variante en position assise); pendant une marche méditative; après un bain de neige dans la poudreuse; à la sortie d´un bain de rivière ou de lac; après une douche sous une cascade… (Maurice DAUBARD)

 
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